Promouvoir la mixité culturelle
dans l'éducation des enfants

Adéla TURIN, écrivaine, éditrice, fondatrice de l’association
Du côté des filles.
Diversité - septembre 2004
http://www.cndp.fr/archivage/valid/66977/66977-10065-12588.pdf

Malgré les avancées de l'égalité entre hommes et femmes, l'offre culturelle proposée aux enfants dès leur plus jeune âge, qu'il s'agisse de littérature de jeunesse ou de jeux, diffuse et perpétue encore de nos jours les stéréotypes sexistes habituels. Pourquoi ?

Les albums illustrés, matériel pédagogique en maternelle et dans les petites classes, ont repris la fonction qui avait été, jusqu'à la première moitié du siècle dernier, celle des alphabets et des livres de lecture. Cette fonction, longtemps franchement assumée aussi bien par les textes que par les images, était celle de conditionner filles et garçons aux rôles que la société leur réservait. Livres et alphabets visaient, en gros, à préparer les garçons aux positions de pouvoir (social et/ou domestique) et à réconcilier les filles avec leur destin de ménagères et de mères, en leur promettant, en compensation, le bénéfice illusoire de la gestion d'une sphère vaguement définie comme étant «le privé et l'affectif ». Il s'agissait aussi - et c'est encore le cas en grande mesure - de justifier aux yeux des enfants le fait que les femmes n'aient pas le même statut que les hommes, en fondant cette inégalité sur des différences biologiques et des choix dits «naturels».
Les albums, dont les protagonistes sont en proportion écrasante des garçons, des hommes ou des animaux mâles, proposent aux garçons une gamme vaste et hétérogène de modèles (composée de qualités le plus souvent incompatibles) qui va du héros sans peur et sans scrupules au savant intègre, du père juste au séducteur irrésistible, de l'aventurier au saint. Modèles virils fantomatiques qui servent aux garçons (et plus tard aux hommes) à s'autodéfinir supérieurs aux filles et aux femmes.

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