Femme, j’écris ton nom…
Guide d’aide à la féminisation
des noms
de métiers, titres, grades et fonctions
CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
INSTITUT NATIONAL DE LA LANGUE FRANÇAISE
Sous la direction de Bernard CERQUIGLINI - 1999
L’étude rigoureuse de la langue française,
de son histoire, de sa structure et de ses particularités,
quand elle s’applique à la féminisation du vocabulaire,
c’est-à-dire à la parité dans le lexique,
conduit à trois remarques liminaires.
1 La pression de la norme, en français,
est telle que tout mot nouveau fait sourire, dérange ou inquiète.
Cela est d’autant plus regrettable que la créativité
lexicale qui, depuis les origines, a enrichi notre vocabulaire de
centaines de milliers de mots, est un signe de vitalité de
la langue. Cette créativité est à encourager,
à l’heure où les grandes langues internationales
sont en forte rivalité. Certains se plaignent du nombre d’emprunts
que fait la langue française ; ils devraient être les
premiers à accueillir avec faveur les créations nouvelles.
2 Pour des raisons qui ne sont pas grammaticales,
le féminin est souvent dépréciatif : que l’on
pense à la série galant/galante, professionnel/professionnelle,
sorcier/sorcière, etc. Cette dépréciation
redouble la hiérarchie des fonctions sociales occupées
par les hommes et les femmes : le couturier est un créateur,
la couturière une petite main. Ceci explique que le suffixe
-esse, parfaitement neutre dans l’ancienne langue (chanoinesse),
soit ressenti aujourd’hui comme péjoratif : ce n’est
pas par hasard que les adversaires de la parité dans le langage
font mine de combattre des ministresses, députesses, membresses,
etc., que personne ne songe à utiliser. La circulaire du
11 mars 1986 fut sage de déconseiller l’emploi de ce
suffixe, et de recommander une suffixation minimale. Il faut garder
en mémoire qu’un substantif féminin nouveau,
même parfaitement formé (députée),
ou d’une forme déjà existante (juge),
rencontre le
double handicap de la néologie et de la péjoration
souvent
attachée au féminin.
3 La parité dans le lexique n’est
pas, pour l’essentiel, une question linguistique ni même
grammaticale. De très nombreux substantifs féminins
désignant des métiers, titres, grades et fonctions
existent déjà, les autres se forment aisément
; leur existence était latente, seules les conditions sociales
en ont différé l’emploi. Quelques substantifs
posent un problème morphologique : ils seront évoqués
plus loin. Il est à noter que certains masculins donnent
parfois lieu à plusieurs féminisations, morphologiquement
possibles et dûment attestées ; c’est l’usage
qui tranchera.
L’intervention des spécialistes de la langue française
consistera donc dans un rappel historique ; dans l’énoncé
des règles de formation du féminin (règles
bien résumées déjà dans la circulaire
du 11 mars 1986) ; dans l’étude des difficultés
qui peuvent accompagner cette formation ; dans la présentation
d’une liste indicative de substantifs féminins accompagnés
du numéro de la règle qui a servi à les former.
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